Comment éviter que mon improvisation ne tourne en rond ?

Le problème de l’improvisation qui tourne en rond est un phénomène universel.

Quels que soient leur style et leur niveau, tous les guitaristes y sont confrontés et il semble souvent difficile de dépasser cette difficulté.

Avant de rentrer dans le détail de ce qu’il est possible de faire, tentons avant tout de comprendre ce qu’est l’improvisation et comme elle fonctionne.

Qu’est-ce que l’improvisation ?

Vu de l’extérieur, l’improvisation semble être la capacité du guitariste à créer des mélodies, des accompagnements, des phrases musicales qui n’existaient pas, de manière presque magique, sous la forme d’une sorte d’inspiration spontanée.

Pour décrire la façon dont on improvise, j’aime beaucoup comparer l’improvisation avec le langage verbal.

Le but est similaire et consiste à créer des phrases (musicales ou verbales) qui ait du sens pour leur destinataire.

Si l’on prononce des mots dans un ordre arbitraire, sans aucune connexion ni aucune logique, personne ne comprendra ce que l’on dit.

De la même façon, si l’on joue des notes dans n’importe quel ordre, sans connexion avec la tonalité ou l’atmosphère du morceau, l’auditeur ne se laissera pas transporter par notre improvisation.

Etant données les similitudes entre le langage et la musique, il peut être intéressant de comprendre la façon dont nous avons appris à parler, à nous exprimer et à prononcer des phrases de manière improvisée, en fonction du contexte et du message que l’on veut faire passer.

Comment apprend-t-on à parler ?

Apprendre à s’exprimer à l’oral prend du temps et demande beaucoup de pratique, même si on le fait inconsciemment au cours de notre enfance.

  • Tout jeune, on commence par tenter de reproduire les sonorités vocales provenant des adultes qui nous entourent.
    Petit à petit, on parvient à maîtriser la prononciation de quelques mots basiques, sans pour autant en comprendre le sens.
  • L’étape suivante consiste à associer les mots appris à des objets ou des personnes : « papa », « maman », « gâteau »…
    Les premiers mots commencent donc à prendre leur sens, mais il nous est encore impossible d’associer ces mots pour en faire des phrases.
  • Puis on identifie des phrases toutes faites que l’on parvient à répéter et dont on comprend le sens.
  • Après avoir recoupé le sens de plusieurs phrases, on finit par percevoir le sens des mots dans le cadre de la phrase.
  • Ce n’est qu’à partir de ce moment, après avoir longuement pratiqué les étapes précédentes, que l’on devient capable de réutiliser les mots dans un contexte différent, de mélanger des morceaux de phrases que l’on connait, afin de créer de nouvelles phrases adaptées au message que l’on veut transmettre.
  • Puis au fil du temps, on continue à enrichir son vocabulaire, à apprendre de nouvelles expressions, de nouvelles tournures de phrases, et notre langage devient de plus en plus riche.

Comment apprend-t-on à improviser ?

Je tenais à faire cette description simplifiée et caricaturale de l’apprentissage du langage, parce que ce processus est exactement le même que lorsque l’on apprend à improviser à la guitare.

  • Lorsque l’on débute, on commence par tenter de reproduire les notes que l’on a entendu d’autres guitaristes jouer.
  • Ces notes commencent à prendre leur sens quand on parvient à les faire résonner correctement, et qu’on devient capable d’identifier si elles sont justes ou fausses.
  • Puis on apprend des phrases toutes faites, des plans, des riffs, des gimmicks, des mélodies que l’on réussit à faire sonner agréablement.
  • A force de jouer ces phrases musicales, on finit par percevoir des similitudes et des ressemblances entre elles, et à comprendre dans quel contexte elles vont bien sonner.
  • Ce n’est qu’à partir de ce moment, après avoir longuement pratiqué les étapes précédentes, que l’on devient capable de réutiliser les notes et les phrases dans un contexte différent, à mélanger des plans que l’on connait, afin de créer de nouvelles phrases adaptées à l’émotion que l’on veut transmettre ou l’atmosphère que l’on veut créer.
  • Puis au fil du temps, on continue à enrichir son vocabulaire musical, à apprendre de nouvelles phrases et notre langage musical devient de plus en plus riche.

Pourquoi mon improvisation tourne-t-elle en rond ?

Si l’on considère donc que l’improvisation consiste à réutiliser une phrase que l’on a apprise par cœur, on va passer un certain temps à exploiter cette phrase, à la déformer, la transformer, l’adapter pour lui donner un nouveau sens dans un contexte différent.

Puis au bout d’un moment, on maîtrise tellement cette phrase qu’elle fait partie intégrante de notre vocabulaire.

C’est à la fois un avantage et un inconvénient.

L’avantage, c’est que l’on va pouvoir aisément réutiliser cette phrase dans n’importe quelle situation musicale.
L’inconvénient, c’est que cette phrase a perdu pour notre oreille la fraicheur de la nouveauté.
Si complexe, si riche ou si recherchée soit-elle, elle est devenue trop basique pour nous.

Il va donc falloir apprendre une nouvelle phrase pour découvrir de nouveaux horizons et avoir l’impression de renouveler notre capacité d’improvisation.

Pourtant, il ne semble pas que les grands improvisateurs tournent en rond… si ?

Si vous débutez l’improvisation et que vous parvenez à maîtriser 3 phrases musicales et à les exploiter correctement dans le cadre d’une improvisation, quelqu’un qui n’a pas acquis vos capacités pensera que vous êtes un bon improvisateur.

Pourtant, vous, vous aurez l’impression de tourner en rond puisque vous saurez pertinemment que vous ne maîtrisez que 3 phrases.

Et vous, vous serez impressionné en écoutant un improvisateur qui maîtrise des centaines, voire des milliers de phrases.

Mais du point de vue de cet improvisateur, il ne fera que réexploiter ce qu’il connait déjà par cœur, et il n’y aura rien de nouveau dans son improvisation.

Il aura la même sensation que vous de tourner en rond.

J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous

Commençons par la mauvaise…

Vous aurez beau travailler l’improvisation de manière acharnée pendant des années, vous ressentirez toujours cette sensation de tourner en rond dans votre improvisation.

Vos auditeurs auront l’impression que vous ne jouez jamais 2 fois la même chose, parce que votre vocabulaire musical sera devenu très riche.
Mais vous, vous saurez que vous tournez en rond.

A présent, la bonne nouvelle…

Il y a un moyen simple et motivant de dépasser cette sensation de stagnation.
Il suffit de sans cesse se renouveler pour avoir toujours de nouvelles idées musicales à exploiter.

Comment se renouveler ?

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur les moyens de développer de nouvelles idées musicales pour enrichir son improvisation.

Je ne pourrai donc pas rentrer trop dans le détail sans quoi cet article serait beaucoup trop long.

Mais laissez-moi citer quelques méthodes assez efficaces :

  • Imitez d’autres guitaristes et apprenez leurs phrases, leurs plans, leurs riffs : c’est de cette manière que la plupart des meilleurs improvisateur ont développé leur art, en s’inspirant de leurs idoles de manière à mélanger le meilleur de chacun pour créer son propre style et son propre vocabulaire d’improvisation.
  • Déformez, transformez ce que vous maîtrisez déjà : si vous avez l’impression de toujours jouer la même phrase, tentez de modifier totalement son rythme, ou gardez le même rythme en changeant les notes, ou jouez les mêmes notes dans l’ordre inverse, ou en sautant une note sur 2. C’est parfois en faisant des tentatives a-priori absurdes que l’on découvre les idées musicales les plus riches et les plus originales.
  • Ayez d’autres sources d’inspiration que la guitare : c’est un procédé très utilisé par les improvisateurs jazz. Ils travaillent souvent des phrases musicales initialement jouées par des saxophonistes, des trompettistes ou des pianistes.
    Les phrases qui peuvent sembler évidentes sur un autre instrument deviennent soudain exotiques et originales lorsqu’elles sont jouées à la guitare.
  • Oubliez tout ce que vous savez et enregistrez-vous : faites en sortes d’oublier les gammes, les arpèges, les positions d’accords que vous connaissez et tentez d’improviser de manière totalement libre, en étant dégagé de toute théorie.
    Il y aura probablement des fausses notes, des phrases qui ne seront pas musicales.
    Mais dans le lot, vous jouerez à coup sûr des phrases originales que vous pourrez utiliser pour enrichir votre vocabulaire.
    Si en 15 minutes d’improvisation, vous parvenez à trouver ne serait-ce qu’une nouvelle idée, ces 15 minutes auront été productives, même si vous avez joué de fausses notes tout le reste du temps.
    D’où l’intérêt de vous enregistrer, il serait dommage de passer à coté de la phrase du siècle parce que vous l’avez jouée une fois par mégarde et que vous l’avez aussitôt oubliée.

D’une manière générale, faites tout l’inverse de ce que vous faites d’habitude

Vous avez l’habitude d’improviser en jouant au médiator ? Jouez aux doigts.
Vous avez tendance à jouer dans les aigus ? Jouez dans les graves.
Vous commencez toujours vos phrases par la même note ? Interdisez-vous de jouer cette note.
Vous jouez toujours les notes dans l’ordre de la gamme ? Interdisez-vous de jouer 2 notes consécutives.

N’ayez pas peur d’exagérer et de vous imposer des contraintes.

Bref, faites tout pour casser vos habitudes, c’est ce qui vous permettra de vous renouveler et de toujours prendre plaisir en incluant de nouvelles idées dans votre improvisation.

Et vous, votre improvisation tourne-t-elle en rond ?