Les contraintes sont les clés de la liberté

Voilà un magnifique paradoxe.
Ça pourrait aussi bien être un sujet de dissertation de philo.

« Il y a déjà assez de contraintes dans la vie sans en rajouter lorsque je joue de la guitare ! »

En réalité, il y a beaucoup de situations dans lesquelles les contraintes sont un avantage.

Lorsqu’on fait un sondage, on a beaucoup plus de chances d’obtenir des réponses en proposant 3 ou 4 cases à cocher que si on pose une question ouverte.

S’il n’y avait que 2 marques de yaourts dans votre supermarché habituel, vous perdriez beaucoup moins de temps à choisir qu’en ayant 20 marques à départager.

« C’est bien beau tout ça, mais je ne vois pas le rapport avec la guitare ! »

Peignons un tableau

Imaginons que l’on ait décidé de se mettre à la peinture et de peindre un tableau.
L’esquisse est déjà dessinée, donc le syndrome de la toile blanche ne se présente pas.

Décrivons 2 méthodes différentes :

  1. Vous avez une palette de 32 couleurs différentes à votre disposition.
    Vous allez utiliser un certain nombre de ces couleurs de manière à obtenir un rendu coloré, contrasté et varié. Le résultat sera probablement intéressant.
  2. Maintenant, on ne vous autorise à utiliser que 2 couleurs.
    C’est une contrainte importante, et il va être difficile d’avoir un rendu aussi intéressant qu’avec 32 couleurs.
    Mais si vous tentez de tirer profit de cette contrainte, vous allez être amené à aborder votre peinture différemment.
    Vous allez devoir travailler sur les nuances de chaque couleur, créer des textures plus recherchées, créer des mélanges entre vos 2 couleurs pour obtenir des tons intermédiaires.
    Bref, la contrainte qui vous a été imposée va vous permettre de développer une certaine finesse et de nouvelles techniques que vous n’auriez jamais cherchées si vous n’aviez pas été limité dans votre choix de couleurs.

« Ok, je vois le principe. Mais concrètement, ça donne quoi à la guitare ? »

Imposons-nous des contraintes à la guitare

Pour la guitare, le principe est le même.
Si vous avez le droit d’utiliser la palette complète, c’est-à-dire de faire ce que vous faites habituellement, vous aurez du mal à trouver de nouvelles façons de jouer.

Maintenant, si vous vous interdisez d’utiliser certaines techniques, certaines notes, certains accords, certains doigts, vous allez devoir aborder les choses différemment pour que ce que vous jouez reste intéressant.

Un exemple

Prenons l’exemple d’un solo improvisé à partir d’une gamme pentatonique.
Vous maîtrisez votre schéma de gamme, vous savez que vous avez 5 notes à votre disposition.
Mais ça tourne en rond, vous jouez tout le temps la même chose, de la même façon.

Pour débloquer les choses, la solution consiste à s’imposer une contrainte.
Nous pouvons par exemple décider de n’utiliser que 2 notes au lieu de 5.

Jouer de cette manière a des chances de tourner en rond encore plus vite.
Mais c’est précisément ce qui nous intéresse, car on va devoir aller chercher beaucoup plus loin pour utiliser ces 2 notes de manière intéressante.
Il va falloir trouver des variantes rythmiques, jouer sur les nuances d’intensité, utiliser différemment les glissés, les tirés de cordes ou les liaisons pour créer quelque chose d’aussi intéressant que lorsque vous aviez 5 notes à votre disposition.

Une autre option peut être de n’utiliser que 2 doigts, ou encore de ne jouer que sur une seule corde.
Vous serez alors contraint de jouer très différemment de ce que vous faites d’habitude.

Les clés de la liberté

Les contraintes sont donc utiles pour se renouveler, découvrir ou inventer de nouvelles façons de jouer.
Mais ça ne signifie pas que nous devons jouer sous contrainte en permanence.

Une fois que vous avez découvert jusqu’où vous pouvez aller en n’utilisant que 2 notes, vous allez pouvoir utiliser les mêmes astuces en repassant sur 5 notes.

Et là, vous serez capable d’aller beaucoup plus loin dans votre pratique instrumentale que si vous n’aviez jamais subi aucune contrainte.

Et vous, vous imposez-vous des contraintes ?