Pourquoi ma guitare sonne mieux lorsque je joue fort ?Le sujet que nous allons détailler dans cet article peut sembler concerner a-priori plutôt les guitaristes amplifiés, c’est-à-dire qui utilisent une guitare électrique ou une guitare électro-acoustique branchée sur un système d’amplification.

Mais il peut aussi être intéressant pour tous les musiciens, puisqu’il s’agit de comprendre le fonctionnement de l’oreille humaine concernant notre perception de la musique et des sons de manière plus générale.

La question ne concerne pas vraiment l’intensité avec laquelle on joue sur notre guitare, mais plutôt le volume sonore qui en résulte.

Pour les guitaristes qui jouent sur une guitare électrique branchée sur un ampli à lampes, il est fréquent d’entendre dire que sa guitare sonnera mieux s’il pousse l’ampli jusqu’à obtenir un volume sonore conséquent.

Il y a effectivement des raisons techniques qui font qu’un ampli à lampes produira une sonorité plus riche si les lampes et les haut-parleurs sont très sollicités, mais la raison la plus flagrante provient surtout de notre perception du son à fort volume.

Du coup, ce principe entre en ligne de compte sur n’importe quelle guitare, sur n’importe quel instrument amplifié, et même simplement lorsque nous écoutons de la musique.

L’idée est que notre oreille est plus sensible aux fréquences médiums qu’aux fréquences graves ou aiguës.

Un peu de théorie

Parlons tout d’abord de ce que l’on appelle les fréquences.

Elles sont calculées en « hertz » et on utilise généralement l’abréviation Hz (ou kHz pour des kilohertz)

Les basses fréquences correspondent à ce que l’on appelle les graves, tandis que les fréquence plus élevées correspondent aux aigus.

L’oreille humaine est capable de percevoir les fréquences qui s’étendent environ de 20 hertz à 20 000 hertz (soit 20 kHz).

Au-delà de 20 kHz, il s’agit de ce que l’on appelle les ultrasons et que nous ne sonnes pas capables d’entendre.

Il en va de même pour les fréquences en-dessous de 20Hz que nous n’entendons pas et qui sont appelées les infrasons.

Le principe qui nous intéresse dans cet article a été étudié dans les années 30 par deux scientifiques américains, Harvey Fletcher et Wilden A. Munson, qui ont testé la perception humaine du volume sonore en fonction des fréquences, ce qui les a mené à établir ce que l’on appelle les courbes Fletcher-Munson, ou courbes isosoniques.

Ces courbes ont été affinées ensuite par des études plus récentes, mais le principe mis en avant par Fletcher et Munson reste vrai.

Pourquoi ma guitare sonne mieux lorsque je joue fort ?

Sur ce graphique, le volume sonore est représenté verticalement et calculé en décibels (dB).
Horizontalement s’étendent les différentes fréquences calculées en hertz (Hz).

Dans un monde idéal et purement théorique, ces courbes ne devraient pas être des courbes, mais des lignes droites, indiquant que notre oreille entend aussi bien les fréquences graves que les fréquences médium ou les fréquences aigües, et ce indépendamment du volume sonore.

Dans la pratique, les choses sont très différentes.

On vois notamment que les courbes remontent nettement dans les graves, ce qui signifie que pour entendre aussi bien les fréquences graves que les fréquences médium, il faut que les fréquences graves soient beaucoup plus fortes.

Le problème est le même pour les fréquences aigües, de manière moins extrême, mais quand même significative.

Concrètement, qu’est-ce que ça signifie ?

Dans la pratique, ça veut tout simplement dire que lorsque l’on écoute de la musique à faible volume, notre oreille entendra beaucoup plus facilement les fréquences médium que les graves ou les aigus.

Par contre, pour un fort volume sonore, notre oreille entendra presque aussi bien les graves et aigus que les fréquences médium.

Par conséquent, le son nous paraîtra plus équilibré si on écoute la musique très fort, tandis que le son sera moins flatteur à faible volume, puisque notre oreille aura l’impression qu’il manque des fréquences graves et aigües.

Par pallier à l’imperfection de notre oreille, on trouve d’ailleurs sur certains amplis hifi ou même sur certains lecteurs MP3 une fonction appelée « loudness », qui consiste à amplifier les fréquences graves et aigües pour nous donner l’impression d’un son équilibré à faible volume.

Et pour la guitare ?

Ce principe a exactement la même influence sur notre perception de notre son de guitare.

En effet, lorsque l’on amplifie notre guitare (électrique ou électro-acoustique) et que l’on pousse le volume, on a généralement l’impression que le son est plus équilibré.

A l’inverse, à faible volume, comme on perçoit moins bien les graves et les aigus, on a la sensation que le son est constitué uniquement de médiums, donc plus aigrelet ou plus agressif.

Est-ce que ça signifie que pour avoir un bon son de guitare, il faut toujours jouer à fond ?

C’est une solution qui fonctionne, mais que je ne conseille pas dans la mesure ou la fatigue auditive due au volume sonore conséquent va très vite se faire sentir.

D’autre part, les voisins sont parfois moins intéressés que vous par l’équilibre de votre son de guitare.
Il y en a même qui seraient prêts à accepter qu’il n’y ait ni graves ni aigus dans votre son si ça peut leur permettre de ne rien entendre du tout !

Par contre, il est possible d’utilise le principe de la fonction « loudness » et de l’appliquer à votre son de guitare lorsque vous jouez à faible volume.

Pour ça, il suffit de pousser un peu les graves et les aigus sur votre ampli.

Ça permettra alors de compenser l’imperfection de l’oreille humaine et d’avoir la sensation que votre son de guitare est plus équilibré.

Attention, par contre, si vous décidez d’augmenter le volume, comme ça peut être le cas par exemple si vous jouez en groupe.

Plus le volume sonore sera important, plus votre oreille sera capable de percevoir les fréquences graves et aigües.
Or, si vous aviez déjà augmenté le volume de ces fréquences pour pouvoir jouer à bas volume, il risque d’y avoir trop de graves et d’aigus lorsque vous allez monter le volume.

Il faut donc souvent utiliser des réglages différents en fonction du volume sonore auquel vous souhaitez jouer.

Conclusion

Il ne s’agit donc pas ici d’une astuce révolutionnaire, puisque ce principe est connu depuis plus de 80 ans.

Mais le fait d’avoir quelques connaissances sur la façon dont fonctionne notre oreille peut nous aider à expliquer nos différences de perception de la qualité d’un son lorsque la seule chose qui a changé est le volume sonore.

Et d’une manière plus générale, c’est ce qui explique que l’on ait quasiment toujours l’impression qu’un son plus fort est meilleur qu’un son plus faible.