Travaillez la guitare sans guitare

Il faut un certain temps pour que nos doigts parviennent à mémoriser les positions et les mouvements qu’on leur demande de réaliser pour jouer de la guitare.

La pratique régulière et la répétition de ces mouvements est la méthode la plus courante et est très efficace.

Le problème est d’une part que ce travail peut être rébarbatif, et d’autre part lorsque l’on aurait le temps de pratiquer,  on n’a pas toujours sa guitare sous la main.

J’aimerais vous proposer une alternative consistant à travailler votre instrument n’importe où, n’importe quand, sans votre guitare.

Pour travailler le placement exact des doigts sur les cordes, s’habituer à les placer le plus près possible des frettes, et assurer un appui efficace pour éviter les bruits parasites ou les notes étouffés, il semble évidemment utile de pratiquer sur son instrument.

Mais il y a aussi de nombreux éléments indispensables, comme le positionnement des doigts les uns par rapport aux autres, l’efficacité et la souplesse de leurs déplacements pour passer d’une position à la suivante, qui ne nécessitent pas forcément d’avoir sa guitare sous la main.

Pourquoi travailler la guitare sans guitare ?

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles vous n’avez peut-être pas la possibilité d’avoir votre instrument sous la main ou simplement de pratiquer :

  • Vous êtes en vacances ou en déplacement professionnel et vous ne pouviez pas apporter votre guitare avec vous.
  • Vous êtes dans les transports en commun ou dans les embouteillages.
  • Vous faites la queue à la caisse du supermarché.
  • Vous êtes à proximité de votre famille ou de vos amis, et vous ne voulez pas prendre le risque qu’ils vous demandent de leur faire un concert privé si jamais vous sortez votre guitare pour travailler.
  • Vous êtes devant la télévision et vous ne voulez pas déranger les personnes autour de vous.
  • Il est tard et vous ne voulez pas réveiller ceux qui dorment.
  • Vous avez trop joué de guitare et vos doigts ont besoin de repos sous peine de prendre feu !
  • … je suis certain que vous trouverez des tas d’autres raisons auxquelles je n’ai même pas pensé…

Travaillez la guitare comme un sportif de haut niveau

Au même titre que pour la plupart des disciplines sportives, la pratique de la guitare demande deux choses :

  • Une part de travail physique afin que nos doigts gagnent en force, en souplesse, en agilité.
  • Une part de travail mental qui consiste à mémoriser des positions, des mouvements, à développer des réflexes.

Quand je parle de travail mental, il ne s’agit évidemment pas d’une approche intellectuelle, mais du travail inconscient que fait notre cerveau lorsque nous répétons un mouvement de nombreuses fois pour parvenir à jouer un morceau ou à mémoriser des enchaînements de notes ou d’accords.

Je fais le parallèle avec les sportifs de haut niveau parce qu’ils ont certes dû pratiquer leur discipline durant des milliers d’heures pour atteindre leur niveau, mais il leur arrive aussi régulièrement de devoir limiter leur entraînement.

Avant une compétition importante par exemple, plutôt que de s’entraîner 10 heures par jour jusqu’à la dernière minute, il est souvent préférable pour un athlète de laisser reposer son corps pour lui permettre de se régénérer et de récupérer l’énergie nécessaire pour le jour J.

Est-ce que ça signifie qu’ils ne peuvent pas s’entraîner durant les 8 jours qui précèdent la compétition ?

Pas forcément, puisque nombre d’entre eux racontent qu’ils s’entraînent de manière mentale, en imaginant chacun de leurs mouvements, chacune de leurs actions et en ressentant dans leur esprit chacune des sensations qu’ils ressentent au moment où ils pratiquent leur discipline.

De nombreuses études sur le fonctionnement du cerveau ont mené à la conclusion selon laquelle répéter un mouvement mentalement activait les mêmes zones cérébrales que si on effectuait ce mouvement pour de vrai, et que ce travail mental était presque aussi efficace que s’il avait été réalisé physiquement.

Comment pratiquer la guitare sans guitare ?

Il est donc possible d’appliquer ce principe dans notre pratique de la guitare.

Il va bien entendu être difficile pour notre esprit d’inventer et de pratiquer des positions que nos doigts n’ont jamais adoptées.
Mais dès que nous nous serons suffisamment entraînés sur notre instrument pour que notre esprit ait commencé à mémoriser les sensations associées au mouvement que nous devons travailler, il sera possible de poursuivre ce travail uniquement par la pensée.

Donc à chaque fois que vous avez un moment de libre mais pas de guitare sous la main, vous pouvez vous concentrer sur l’enchaînement un peu délicat de deux accords, sur un enchaînement de notes ou carrément un morceau complet.

Et comme il ne s’agit pas de mouvements intenses comme dans la plupart des disciplines sportives, il est même possible d’accompagner ce travail mental par le mouvement physique de nos doigts.

L’avantage, c’est que même en public, le mouvement de nos doigts est assez discret, et à moins d’en rajouter et de mimer la prise en main de la guitare, personne ne s’apercevra que vous êtes en train de travailler la guitare.

Les autres avantages du travail mental

Lorsque l’on joue sur notre instrument, on est souvent tenté de regarder nos doigts se placer et de mémoriser les positions de manière visuelle.
Lorsque l’on travaille sans la guitare, ce coté visuel n’apporte plus rien puisque nos doigts sont positionnés dans le vide.

C’est donc un autre atout du travail mental de la guitare qui nous habitue à nous concentrer sur nos sensations plutôt que de nous rendre esclaves du coté visuel.

D’autre part, si on effectue ce travail en se concentrant sur des positions d’accords, comme par exemple .

 » href= »https://www.instinctguitare.com/les-principales-positions-daccords-barres/ » target= »_blank »>des positions d’accords barrés, il sera par la suite beaucoup plus facile de déplacer ces positions sur tout le manche.
Lorsque l’on positionne un accord, on a souvent tendance à se servir des cordes et des cases comme guides pour savoir où positionner les doigts.
Du coup, dès que l’on relâche les doigts pour déplacer la main, on risque de perdre la position et on est obligé de positionner l’accord suivant en repartant de zéro.

Si, à l’inverse, on tente de mémoriser notre ressenti au niveau du positionnement des doigts, sans tenir compte des cases ou des cordes, il sera beaucoup plus facile de déplacer la main gauche n’importe où sur le manche pour décaler la même position d’accord, ce qui est extrêmement fréquent pour les accords barrés.

La différence entre le travail mental et le « air guitar »

Travailler la guitare dans le vide peut sembler être une idée un peu ridicule au premier abord.

Du coup, on pourrait imaginer qu’il s’agit de faire du « air guitar », cette activité qui consiste à mimer avec conviction le fait de jouer de la guitare, parfois au sein de concours ou de championnats dédiés à cette activité.
Je n’ouvrirai aucun débat quant à l’intérêt ou à l’inintérêt de cette pratique, mais je tiens à faire une vraie distinction.

Le travail mental de la guitare ne consiste pas à mimer la pratique de l’instrument.
Il n’y a aucun but démonstratif dans cette façon de travailler.

Au contraire, le but est de se concentrer sur ses sensations.
C’est donc un travail très personnel et très intérieur, ce qui permet de pratiquer n’importe où et n’importe quand, puisqu’on peut le faire sans que les gens autour de nous ne s’en aperçoivent.

C’est quelque chose que je fais moi-même très régulièrement.

Par exemple, lorsque je dois faire un concert pour lequel il n’a été possible d’organiser qu’une seule répétition, je profite des moments de pause ou d’attente avant le concert pour réviser mentalement un solo ou un enchaînement d’accords compliqués afin de mieux mémoriser les sensations digitales correspondantes et ne pas avoir de doutes une fois dans le feu de l’action.

Et généralement, bien qu’il y ait du monde autour, personne ne s’aperçoit que je suis en train de travailler la guitare.

Et vous, travaillez-vous la guitare sans votre guitare ?