Comment se repérer dans un morceau ?

Qu’il s’agisse de suivre une partition ou d’improviser sur un morceau, il est très important de parvenir à se repérer dans un morceau.

Le but est de savoir quand commencer à jouer ou adapter son improvisation.
Il nous faut donc anticiper les changements d’accords, de rythmes ou de parties.

Je vais tenter dans cet article de vous proposer quelques pistes pour vous aider à vous repérer plus facilement dans un morceau.

Comment se repère-t-on dans un texte ?

Tentons tout d’abord de faire le parallèle avec la lecture d’un texte.

Un livre comporte généralement des centaines de milliers de caractères.
Sans points de repère, il nous serait impossible de lire un texte de cette ampleur sans nous perdre.

Mais nous ne lisons jamais une suite de caractères.
Nous lisons des mots, que nous repérons facilement puisqu’ils sont séparés par des espaces ou des signes de ponctuation.

Puis nous groupons ces mots sous forme de phrases, là aussi séparées à l’aide de signes de ponctuation.

Ces phrases sont regroupées sous forme de paragraphes, eux-mêmes regroupés sous forme de chapitres.

Cette classification est basée uniquement sur le texte lui-même, mais nous avons en plus des repères visuels par rapport à la mise en forme du livre.

Il nous est par exemple possible de dissocier les différentes pages, elles-mêmes comportant un certain nombre de lignes.

Bref, nous avons un grand nombre de groupes et de repères visuels qui nous permettent très facilement et sans efforts de savoir à tout moment où on en est dans la lecture de notre livre.

Et pour les morceaux de musique ?

Ce que je viens de décrire par rapport à la lecture d’un texte nous semble être une simple question de bon sens, mais les choses sont généralement moins évidentes quand il s’agit de musique.

L’idéal est de dissocier nos morceaux de la même façon pour trouver des points de repère.

Mais autant il nous est très facile de prendre des points de repère visuels, surtout pour un élément fixe comme le texte d’un livre, autant il est beaucoup plus difficile de prendre des points de repère auditifs, sachant que le musique n’est pas un élément fixe mais une variation permanente des ondes sonores.

Les points de repères temporels

Dans un morceau, comme c’est précisément l’évolution permanente du son qui rend la tâche difficile, le plus efficace va être de prendre des points de repère temporels.

Alors, certes, nous pourrions regarder le temps affiché sur notre lecteur pour repérer que le refrain commence à 1 minute et 12 secondes ou que le solo arrive à 3 minutes 23 secondes.

Mais nous ne sommes naturellement pas capables de compter les secondes de manière fiable et précise, ce qui nous obligerait donc à utiliser un appareil électronique ou un ordinateur pour convertir nos repères temporels en éléments visuels.

Les cycles

Il va donc falloir prendre des points de repère que l’on va facilement pouvoir identifier d’oreille.

Or, l’élément que nous repérons le plus facilement dans un morceau de musique, c’est le rythme.
Le rythme est constitué d’intervalles de temps très courts, répétitifs, et que les différents instruments ont tendance à mettre en valeur en accentuant certains moments clés.

L’élément le plus court que l’on puisse identifier correspond au débit rythmique, c’est-à-dire l’intervalle de temps le plus court que l’on rencontre entre 2 notes ou 2 sons percussifs.

Débit rythmique

A la guitare, ce débit rythmique correspond généralement au mouvement de notre main droite lorsque l’on joue une rythmique.

Par exemple, ce débit rythmique peut correspondre à 4 mouvements de la main droite par temps (doubles-croches).

1 temps

Ce que l’on appelle un temps, c’est une unité de mesure temporelle qui correspond à notre tempo.

Par exemple, un tempo de 60 battements par minute signifie qu’il y aura 60 temps par minute, donc un temps durera une seconde.

Mais sur un morceau de 4 ou 5 minutes, compter les temps serait laborieux.
On va donc grouper ces temps sous formes de mesures.
Par exemple, un cas très fréquent consiste à définir qu’une mesure durera 4 temps.

1 mesure = 4 temps

Repérer les mesures permet déjà de mieux s’y retrouver dans le déroulement d’un morceau, mais on peut aller encore plus loin.

Souvent on peut repérer des cycles de plusieurs mesures pour avoir une perception plus globale.

Il est par exemple par exemple possible de se baser sur des cycles d’accords.

On peut avoir une série de 8 accords, chaque accord durant une mesure. Dans ce cas, notre cycle d’accords durera 8 mesures.

1 cycle d'accords = 8 mesures

S’il s’agit d’une chanson, les couplets correspondront peut-être à 4 cycles d’accords.
Nous aurons donc 4 cycles d’accords x 8 mesures, soit 32 mesures avant de passer au refrain.

1 couplet = 4 cycles d'accords = 32 mesures

On s’aperçoit donc qu’il est possible de décomposer notre morceau sous forme de cycles qui vont nous aider à identifier sa structure.

Concrètement, comment repérer ces cycles ?

Nous pourrions compter les temps, puis compter les mesures, puis compter les cycles d’accords, mais ce serait laborieux et ça nous empêcherait de nous concentrer sur ce que l’on est en train de jouer à la guitare, au profit d’une approche mathématique inutile.

Il va donc falloir faire en sorte de ressentir ces cycles, de manière instinctive.
Avec un peu de pratique, on parvient à savoir que 32 mesures viennent de défiler alors qu’on n’en a pas compté une seule.
On est incapable d’expliquer comment on sait que les 32 mesures sont passées, mais on le sait parce que c’est devenu une évidence.

Il ne s’agit évidemment pas d’un pouvoir magique qu’une élite de musiciens surdoués aurait reçu.

En fait, il y a dans un morceau de musique énormément d’indices sonores qui nous apportent instinctivement des repères fiables :

  • Les variations d’intensité : il n’y a pas de règles universelles, c’est propre à chaque morceau, mais il est fréquent d’avoir une augmentation de l’intensité du morceau avant de passer du couplet au refrain par exemple.
  • Les fills de batterie : ce qu’on appelle un fill, parfois aussi appelé à tort « break » de batterie, c’est une interruption de la régularité d’un rythme de batterie, afin d’annoncer la fin d’une partie et le début d’une autre.
    Le fait d’annoncer qu’un cycle se termine est l’un des rôles de la batterie dans un morceau. Ça nous apporte donc des indices flagrants.
  • L’apparition ou la disparition de certains instruments : là aussi, il n’y a pas de règles, mais il est fréquent dans un morceau qu’un instrument ne joue que durant certains passages.
    Ou bien l’instrument peut changer de sonorité (pour les instruments qui en sont capables, comme les guitares électriques ou les claviers).
  • Les changements d’accords : pour les oreilles peu exercées, il est parfois plus difficile de repérer les changements d’accords, mais avec un peu de concentration, c’est une capacité que l’on acquiert assez vite.
    Même si on n’est pas encore capable de reconnaitre d’oreille de quel accord il s’agit, on s’aperçoit qu’il y a eu un changement parce que le nouvel accord apporte une couleur différente au morceau.

Bref, chaque morceau comporte de nombreux indices, parfois flagrants, parfois plus subtils, qui nous permettent de nous repérer dans la structure d’un morceau ou d’une grille d’accords.

Au début, il peut falloir écouter plusieurs fois le morceau attentivement pour repérer ces indices, et une fois que notre oreille les a identifiés, on perçoit de plus en plus facilement lorsque l’on va changer d’accord ou de cycle dans un morceau.

La difficulté, c’est qu’il s’agit d’une démarche assez abstraite au départ (comme tous les exercices d’écoute d’ailleurs), et beaucoup de guitaristes ont tendance à se décourager ou à penser qu’ils n’en sont pas capables.

Le seul moyen de progresser consiste donc à ne pas trop écouter ses doutes, et à continuer d’habituer notre oreille à écouter les nombreux indices que le morceau nous propose.

Et vous, comment parvenez-vous à vous repérer dans un morceau ?